Chaque année courant septembre se tient à Varsovie, l’HDMI ( Human Dimension Implementation Meeting) de l’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) qui est « un forum inclusif pour le dialogue sur les questions de sécurité et une plateforme pour une action collaborative dont l’objectif est d’améliorer les conditions de vie des individus et des communautés dans son espace géographique. »

l’HDIM est la plus grande réunion qui couvre des sujets comme les droits de l’homme, les libertés fondamentales, la tolérance et la non-discrimination…

Plus concrètement, chacun des 57 pays membres de l’OSCE est représenté par une délégation chargée de promouvoir et de mettre en œuvre les engagements convenus dans ces domaines, d’échanger des idées, de partager des expériences et d’identifier des problèmes en vue de les résoudre. En plus des délégations sont conviés à participer des membres de la société civile, plus communément appelées ONG (organisations non-gouvernementales). Environ 1500 personnes, prennent part à ces réunions appelées « working sessions » qui traitent chacune d’un thème particulier. Un temps de parole est alloué à chaque participant avec un droit de réponse pour les délégations dont le pays a pu être mis en cause.

Les thèmes nous concernant plus particulièrement étaient « Liberté de pensée, de conscience, de religion ou de croyance » et « Tolérance et non-discrimination ».

Cette année un des représentant de la délégation française était Monsieur Jean-Christophe Peaucelle, Conseiller pour les Affaires Religieuses au Ministère des Affaires Etrangères, membre de l’Observatoire de la Laïcité, et également membre du Conseil d’Orientation et du Comité exécutif de pilotage opérationnel de la Miviludes !!

Etait également présent, assis derrière Monsieur Peaucelle : Monsieur Serge Blisko, le Président de la Miviludes, en personne !

Bien que cela puisse paraître saugrenu, hors sujet, hors contexte, voire même provocateur pour les représentants des minorités religieuses présentes ce jour là, venus défendre leurs droits et faire état des discriminations et parfois même des persécutions qu’elles subissent, et que l’on soit en droit de se demander ce que vient faire à des réunions de l’HDIM sur la liberté de religion la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires compte tenu de son caractère si distant de la tolérance religieuse et de la non-discrimination, chaque délégation est en droit de convier, sans droit d’intervention, qui elle veut.

Monsieur Peaucelle étant lui-même membre du CEPO de la Miviludes, il est aisé de comprendre ce choix.

Ce qui est l’est moins en revanche, c’est que lors de la session sur la tolérance et la discrimination, la délégation française s’absente ce qui est couramment fait par les délégations et sans incidence particulière pour assister à un side-event ou honorer un rendez-vous ou peut-être que Monsieur Peaucelle a eu besoin de faire une pause parce-que comme il l’affirme lors de la réunion du Comité exécutif de pilotage opérationnel de la Miviludes :

« [l’OSCE] Y être reste pénible mais ne pas y être est pire ! ».

Comité éxecutif de pilotage opérationnel du 13 octobre 2015

Et voilà que c’est Monsieur Serge Blisko (le président de la Miviludes) qui s’assoit à la table des délégations à la place attitrée de la France !

Cela signifie que pendant la réunion de travail n°7, c’est le président de la Miviludes qui siège à la place de la délégation française, réunion filmée et retransmise sur le site officiel de l’HDIM.

A première réflexion cela ne semble pas si grave, bien que n’étant pas le représentant officiel de la délégation française, Monsieur Blisko n’a pas pris la parole et s’est contenté d’écouter les différents intervenants comme il l’aurait fait assis un rang derrière.

En poussant maintenant la réflexion plus avant, des questions se posent et des contradictions apparaissent :

– Quelle image de la France est reflétée à l’étranger par la présence de Miviludes à l’OSCE sur le thème de la liberté de religion ?

– Pourquoi le Conseiller aux Affaires Religieuses au ministère des Affaires Etrangères a-t-il besoin de se faire assister par le président de la Miviludes aux sessions sur la liberté de religion?

– Pourquoi la France est le seul pays qui a besoin de la présence d’un pseudo-expert en secte pour participer à des sessions de l’OSCE sur la liberté de religion?

– Cela a-t-il un lien avec la demande de la Cour des Comptes française de réformer la Miviludes ? ( voir référé de la Cour des Comptes du 23 mai 2017 n°S2017-1611)

La déclaration de la délégation française

cette année, elle met l’accent sur les sujets suivants :

« La nécessité de lutter de manière inclusive et universelle contre les violations de la liberté de religion ou de conviction, en évitant de prendre parti en faveur ou au détriment d’une religion donnée »

« Le soutien au dialogue interreligieux, facteur de paix et de concorde. »

« Le principe d’égalité entre hommes et femmes »

« le modèle français de laïcité, parfois mal compris ou déformé. »

Cette déclaration décrit et rappelle les principes suivants chers à l’identité française :

« La laïcité n’est pas une opinion parmi d’autres mais la liberté d’en avoir une. Ni pro ni antireligieuse, elle consiste en la mise en œuvre, dans le domaine de la conscience et de la religion, des principes de la devise de la République française :

Liberté : la loi doit garantir la liberté de religion ou de conviction, c’est-à-dire de pratiquer la religion de son choix, de ne pas avoir de religion ou d’en changer ;

Egalité : croyants de toutes confessions et non-croyants ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. Cela suppose la parfaite neutralité religieuse de l’Etat. Ce dernier ne peut « préférer » une religion à une autre, une conviction à une autre. C’est pourquoi l’Etat ne subventionne directement aucun culte. De même, il ne reconnaît aucun culte, ce qui signifie qu’un culte n’a pas besoin de sa reconnaissance pour être pratiqué.

Fraternité : l’Etat a le devoir de garantir la démocratie et la réalité des droits de l’Homme, de lutter contre toutes les discriminations, tous les discours de haine, toutes les incitations à la violence. »*

La France reste quand même le seul pays à avoir crée une Mission interministérielle chargée de séparer le grain de l’ivraie en matière de religion !

Cette mission interministérielle, la Miviludes se targue sur son site de ne porter aucun jugement de valeur sur des croyances(1) et qu’elle n’a pas pour mission de définir ce qu’est une secte mais on peut tout de même se renseigner sur ce qu’est une dérive sectaire , savoir comment la déceler et demander l’avis de la Miviludes, tout en sachant que la notion de secte n’est pas définie ni par la Miviludes ni par la législation (2) et que la France est également le seul pays à avoir créer une police spéciale des dérives sectaires : la CAIMADES !

La laïcité à la française demeure une ambivalence, une contradiction, une tendance à la schizophrénie comme le décrit très clairement Raphaël Liogier dans son ouvrage « Une laïcité “légitime” : La France et ses religions d’Etat »(3)

(1) « Conformément au principe de laïcité, la Miviludes s’interdit de porter quelque jugement de valeur que ce soit sur les doctrines, les théories ou les croyances en tant que telles, son objet étant de dénoncer systématiquement les dérives sectaires et de lutter contre elles. »

(2) « Respectueux de toutes les croyances et fidèle au principe de laïcité, le législateur s’est toujours refusé à définir les notions de secte et de religion, afin de ne pas heurter les libertés de conscience, d’opinion ou de religion garanties par les textes fondamentaux de notre République. »

(3)« Aux yeux de tous, la Laïcité, c’est la séparation des Eglises et de l’Etat. Pourtant, depuis 1905, les mesures visant le religieux n’ont de cesse de déroger au principe de séparation, paradoxalement pour mieux appliquer la Laïcité. C’est ainsi que l’Etat confère ou refuse les statuts d’associations cultuelles, de congrégations, etc ; c’est l’Etat qui définit quels sont les “vrais” cultes, les religions qui cultivent des croyances et des pratiques reconnues, ” normales “… La Laïcité, c’est la schizophrénie au pouvoir, le double langage, les préjugés, les évidences d’une culture dominante qui n’a jamais à s’expliquer parce qu’à priori ” universelle “. C’est parce que l’Etat est ” neutre ” qu’il peut intervenir. Cette pseudo-neutralité est, en fait, une idéologie organique justifiant, par avance, et indiscutablement, toute intervention possible. »

* [http://www.osce.org/fr/odihr/340751?download=true]

Auteur : CM

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